La belle voix chaude de John Wetton, des reprises surprenantes et réussies, la technique sympathique

Note globale


Un groupe fatigué, pas solidaire et poussif, ne rendant pas justice à leur épatant premier album... et puis une façon peu flatteuse de "faire perdurer Asia"

Editeur : Eagle Vision
Durée totale : 2 h 35

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Image        PAL

Petit livret bien mange-boules
Interview des 4 musiciens (40 min 16/9 non st)

Définition, couleurs, tout est bon, à peine le montage déconne-t-il une fois ou deux. Très agréable donc. Mais le rendu de la scène est épouvantablement pauvre, donc c'est joli mais vide.
Une stéréo très, voire trop propre, et un 5.1 totalement artificiel mais qui apporte un réel plus. Le DTS est supérieur quant au rendu de la voix, le Dolby 5.1 rajoute un petit côté "crade" pas désagréable.
Sur le papier, très bon, mais deux points en moins pour le côté "Porcupine Tree" de la setlist (70% des albums non représentés). Celà dit ça faisait partie du concept de la tournée.
Non sous-titrée, l'interview recèle quand même assez de choses intéressantes pour mériter la moyenne. On aurait aimé aussi quelques répétitions histoire de bien comprendre pourquoi une si grand désorganisation...

Alors c'était pour ça ? Tout ce ramdam, pour finalement la galette ci-présente ? Le jeu en valait-il la chandelle ? J'explique pour ceux de nos lecteurs qui ont la chance d'avoir moins de trente ans : en 1982, le groupe Asia fut créé. Plutôt le supergroupe, comme on dit, car il regroupait 4 musiciens fameux : le guitariste de Yes, le batteur de ELP, le chanteur/bassiste de King Crimson et le claviériste des Buggles (groupe pop éphémère où officia également un certain Hans Zimmer). Quatre forces telluriques qui donnèrent un album finalement très pop, très accessible, et qui fit un carton intégral. Puis le groupe tenta de continuer et les ennuis de personnel commencèrent. En 1992, Geoff Downes, l'ex-Buggles ci-cité, décida contre vents et marée de faire perdurer le groupe, en s'adjoignant un autre chanteur/bassiste, John Payne, et en recrutant des musiciens de studios. Tout le monde se moqua de lui (et certains fans ne se privèrent pas de charrier le sieur Payne), mais le résultat, petit à petit, devint évident : début 2006, la formation avec Payne avait duré trois fois plus longtemps que l'initiale, avait sorti deux fois plus d'albums, et si les ventes n'étaient pas mirifiques, au moins Asia s'était-il forgé une vraie identité. La preuve : ils venaient de signer un contrat chez la célèbre maison Inside Out, et la sortie d'un nouvel album était imminente (disons carrément qu'une date de sortie avait été annoncée).
Et puis d'un seul coup, un beau matin, un de ces matins où chante le gai pinson sur la branche du tilleul, changement d'ambiance ! En 24 heures, Geoff Downes décidait de tout laisser tomber, de virer Payne et les autres musiciens, de mettre le nouvel album quasi-fini à la poubelle et de reformer le quartet original, et attendez c'est pas tout, pas pour refaire un album mais pour donner des concerts, et encore uniquement aux USA et un peu au Japon. Si ça c'est une "décision artistique", je me la coupe et je me la bouffe en pierrade avec les couilles qui infusent dans la théière. Doit-on préciser que, si la perspective d'une tournée des anciens avait quelque chose de sympa, la manière de procéder était tout à fait scandaleuse ? C'est un peu l'affaire Ray Wilson chez Genesis, mais en beaucoup plus gougniaffier. Depuis, John Payne et ses compères ont créé le groupe GPS, et donc Downes, le "sole survivor" du groupe, s'était mis sur les épaules une responsabilité de taille. Parce qu'inutile de dire que, avec un tel manque de tact et une démarche aussi passéiste, le résultat se devait d'être pas moins qu'exceptionnel.

Et voici donc nos quatre bonshommes réunis sur une scène à Tokyo (une des plus petites, soit dit en passant, malgré leur prétention Asia vend au Japon bien moins que Glay !). Physiquement, le poids des ans s'est visiblement acharné : si Steve Howe a toujours eu le sex appeal d'un crapaud en bocal, les autres n'ont pas bonne mine non plus (seul Carl Palmer n'a pas bougé depuis 1968). Et Geoff Downed (pardon, Downes) semble avoir pris vingt ans en dix mois : coïncidence ? Mais les petites disgrâces physiques n'ont pas leur place lorsqu'il s'agit de musique, et particulièrement cette musique-là, que nombre d'entre vous connaissent sur le bout des doigts. Il s'agit du dernier concert, ils ont tous entre 25 et 40 ans de métier, ils jouent leurs propres chansons avec la technologie moderne : bref, ils n'avaient pas droit à l'erreur. Las ! Avec toutes les promesses déclarées à la presse, qui aurait crû qu'ils étaient cuits ? Pas les spectateurs, enthousiastes, qui n'avaient qu'une peur : l'état de la voix de John Wetton, le monsieur ayant une santé défaillante et n'ayant pas foulé les planches depuis quelque temps. Rassurez-vous, il chante franchement très bien. Il n'atteint pas 100% des notes, et la plupart des titres sont un peu transposés, mais dans l'ensemble, la voix de Wetton est tout à fait satisfaisante.

C'est même le meilleur élément du concert.

Parce que pour le reste, il y a de quoi grincer des dents. Pour des "vieux amis", des renards du désert comme eux, et étant donné qu'il s'agit du dernier concert de la tournée, on est effarés d'entendre à quel point ils ne sont pas ensemble ! La mise en place est très souvent hasardeuse, il n'y a pas de vraie cohésion de groupe, et par moments on dirait un très bon groupe amateur qui reprend les chansons - je n'exagère en rien. Alors oui, on a connu pire (au hasard : Duran Duran, Ayabiye, Mike Oldfield), mais comme on n'attendait rien de moins que de l'excellence, c'est peu de dire qu'on ne l'atteint pas. Les très rares changements d'arrangements sont totalement pourris (les ralentis foireux sur Time Again : aïe ! Le renversement d'accord abandonné (!) sur Wildest Dreams : ouch !). Geoff Downes se fait ridiculiser par lui-même sur ses propres playbacks : l'unique moment où il ne joue pas trop lentement, c'est sur le final de Cutting it Fine, précisement là où il aurait dû ralentir !
Globalement, le son du groupe est assez décevant, sec et petit. La batterie de Palmer manque cruellement d'ampleur (dommage car son solo est à 10% aussi bien que ce qu'on trouve sur Internet, soit 450% mieux que tout le monde), la guitare de Howe est parfois inaudible, ses solos ridiculement étouffés ; quant à Downes, il sort des sons de synthé hallucinants de ringardise - oui messieurs dames, ils sont PIRE que sur les albums originaux. La setlist n'est pas faite pour rassurer : certes, on trouve l'intégralité du premier album (pas dans l'ordre), mais pour le reste, c'est assez couard : une face B, trois titres du second album, et rien d'Astra (pas même un petit Go ! pour réveiller le spectateur). Quant aux albums suivants, il paraît évident pour le groupe que John Payne est mort pendant la guerre des Malouines. Et encore, sur les trois titres d'Alpha, deux sont en version acoustique, dont une (Don't Cry) particulièrement ratée. C'est pas bezef, quoi : Howe nul (une fois de plus devrais-je dire), Palmer en décalage, Downes un peu hors-jeu, des titres cultes pas massacrés mais pas loin, comme dirait Philippe Lucas, ça sentait le canné en roussi, non ?
Et puisque Dieu n'existe pas, il faudra donc imputer au public japonais et son légendaire amour du progressif le miracle qui s'est ensuivi. Conscients que peu, c'est pas assez, les quatre musiciens ont parsemé le concert de chansons de leurs anciens groupes respectifs : Roundabout pour Howe, Fanfare for the Common Man pour Palmer, rien de moins que In the Court of the Crimson King pour Wetton (mazette) et un surprenant et rigolard Video Killed the Radio Star par Geoffrey Downes, enfin Geoffrey Buggle. Surprise ! Le son se fait plus gros, la mise en place bien meilleure (euphémisme), les musiciens s'offrent des solos déjantés à rallonge, même Downes arrête de concurrencer Charly Oleg (sauf sur Fanfare, mais c'est normal). Oui, c'est vraiment horrible comme constat, mais il est bien réel et irréfutable : pour le concert de réunion du groupe Asia, les quatre meilleurs titres sont les quatre qui ne sont pas d'Asia. Ca en dit très long sur le degré de pertinence artistique, n'est-ce pas ?
Le DVD étant signé Eagle Vision, on s'attendait à du très grand. Loin d'être décevant, le disque pêche par manque de matière première, surtout sur l'image, techniquement excellente mais ne montrant... pas grand-chose ! Il faut dire que sur scène, c'est pas Rammstein... (pour tout dire, même Dream Theater propose des écrans de fond plus intéressants). Le son 5.1 est spatialisé de façon artificielle (claviers doublés sur l'arrière) et ce n'est pas plus mal : ça cache la misère de la stereo originale et ça donne du corps. Plus intéressant, vous avez aussi une interview non sous-titrée, mais compréhensible (à cet âge-là, ça parle lentement), des 4 gaillards qui reviennent sur leurs débuts musicaux (passionnant, surtout Wetton), la naissance du premier album, avec anecdotes sympas mais ton général assez vague, et puis ensuite, euh... à l'armée on appelle ça exercice de déplacement massif et contigü de troupes sur sables mouvants : Palmer et Howe s'en moquent un peu, Wetton tente de faire du Dany Boon (tout va bien), et Downes reste très, trèèèès évasif. A l'entendre, Asia a effectivement continué apres Astra : ils ont enregistré une compil en 1990, voilà, point.

J'exagère un "peu", mais ce "peu" n'est pas plus gros que la mine d'informations incroyable, fourmillante, passionnante qu'il ne DIT PAS sur l'ère Payne - je sais, ce n'était pas le sujet de ce DVD, mais l'information à retenir est que ça ne sera JAMAIS le sujet, et qu'il le fait bien comprendre. Interview donc à suivre, absolument pas ennuyeuse ni inutile, mais prenant une tournure de ton à en laisser plus d'un interloqué, à l'image du concert d'ailleurs. Malheureusement, et là je vais pratiquer un humour noir bien corsé, la phrase de mauvais aloi que l'on retiendra, c'est celle de John Wetton qui nous dit remercier les fans "du fond de son cœur". Quand on connaît l'etat d'icelui, ca frise la blague de mauvais goût - un peu comme ce concert, quoi, bis répétita. Pas grave, l'ami John semble s'être remis de son opération cardiaque (nous lui souhaitons sincèrement en tous cas), et en revoyant ce DVD, il peut se sentir légitimement fier : lui, le revenant, l'oublié, il en est le meilleur protagoniste, et de loin. Maintenant, si Monsieur Downes voulait bien se rendre à la caisse centrale, y'a deux-trois vigiles qui aimeraient lui poser quelques questions...


15-10-2007

Mars 2007 - Shinjuku Koseinenkin Hall (Tokyô, Japon)


01. Time again
02. Wildest dreams
03. One step closer
04. Roundabout
05. Without you
06. Cutting it fine
07. Intersection blues (Steve Howe solo)
08. Fanfare for the common man
09. The smile has left your eyes
10. Don't cry
11. In the court of the crimson king
12. Here comes the feeling
13. Video killed the radio star
14. The heat goes on
15. Only time will tell
16. Sole survivor
17. Ride easy
18. Heat of the moment


John Wetton - Chant, basse, guitare   
   Geoff Downes - Claviers, chant, choeurs
Steve Howe - Guitare, choeurs   
   Carl Palmer - Batterie