| Alors 
      c'était pour ça ? Tout ce ramdam, pour finalement la galette 
      ci-présente ? Le jeu en valait-il la chandelle ? J'explique pour 
      ceux de nos lecteurs qui ont la chance d'avoir moins de trente ans : en 
      1982, le groupe Asia fut créé. Plutôt le supergroupe, 
      comme on dit, car il regroupait 4 musiciens fameux : le guitariste de Yes, 
      le batteur de ELP, le chanteur/bassiste de King Crimson et le claviériste 
      des Buggles (groupe pop éphémère où officia 
      également un certain Hans Zimmer). Quatre forces telluriques qui 
      donnèrent un album finalement très pop, très accessible, 
      et qui fit un carton intégral. Puis le groupe tenta de continuer 
      et les ennuis de personnel commencèrent. En 1992, Geoff Downes, l'ex-Buggles 
      ci-cité, décida contre vents et marée de faire perdurer 
      le groupe, en s'adjoignant un autre chanteur/bassiste, John Payne, et en 
      recrutant des musiciens de studios. Tout le monde se moqua de lui (et certains 
      fans ne se privèrent pas de charrier le sieur Payne), mais le résultat, 
      petit à petit, devint évident : début 2006, la formation 
      avec Payne avait duré trois fois plus longtemps que l'initiale, avait 
      sorti deux fois plus d'albums, et si les ventes n'étaient pas mirifiques, 
      au moins Asia s'était-il forgé une vraie identité. 
      La preuve : ils venaient de signer un contrat chez la célèbre 
      maison Inside Out, et la sortie d'un nouvel album était imminente 
      (disons carrément qu'une date de sortie avait été annoncée). |  | 
   
    |  | Et 
        puis d'un seul coup, un beau matin, un de ces matins où chante 
        le gai pinson sur la branche du tilleul, changement d'ambiance ! En 24 
        heures, Geoff Downes décidait de tout laisser tomber, de virer 
        Payne et les autres musiciens, de mettre le nouvel album quasi-fini à 
        la poubelle et de reformer le quartet original, et attendez c'est pas 
        tout, pas pour refaire un album mais pour donner des concerts, et encore 
        uniquement aux USA et un peu au Japon. Si ça c'est une "décision 
        artistique", je me la coupe et je me la bouffe en pierrade avec les 
        couilles qui infusent dans la théière. Doit-on préciser 
        que, si la perspective d'une tournée des anciens avait quelque 
        chose de sympa, la manière de procéder était tout 
        à fait scandaleuse ? C'est un peu l'affaire Ray Wilson chez Genesis, 
        mais en beaucoup plus gougniaffier. Depuis, John Payne et ses compères 
        ont créé le groupe GPS, et donc Downes, le "sole survivor" 
        du groupe, s'était mis sur les épaules une responsabilité 
        de taille. Parce qu'inutile de dire que, avec un tel manque de tact et 
        une démarche aussi passéiste, le résultat se devait 
        d'être pas moins qu'exceptionnel. | 
   
    | Et 
        voici donc nos quatre bonshommes réunis sur une scène à 
        Tokyo (une des plus petites, soit dit en passant, malgré leur prétention 
        Asia vend au Japon bien moins que Glay !). Physiquement, le poids des 
        ans s'est visiblement acharné : si Steve Howe a toujours eu le 
        sex appeal d'un crapaud en bocal, les autres n'ont pas bonne mine non 
        plus (seul Carl Palmer n'a pas bougé depuis 1968). Et Geoff Downed 
        (pardon, Downes) semble avoir pris vingt ans en dix mois : coïncidence 
        ? Mais les petites disgrâces physiques n'ont pas leur place lorsqu'il 
        s'agit de musique, et particulièrement cette musique-là, 
        que nombre d'entre vous connaissent sur le bout des doigts. Il s'agit 
        du dernier concert, ils ont tous entre 25 et 40 ans de métier, 
        ils jouent leurs propres chansons avec la technologie moderne : bref, 
        ils n'avaient pas droit à l'erreur. Las ! Avec toutes les promesses 
        déclarées à la presse, qui aurait crû qu'ils 
        étaient cuits ? Pas les spectateurs, enthousiastes, qui n'avaient 
        qu'une peur : l'état de la voix de John Wetton, le monsieur ayant 
        une santé défaillante et n'ayant pas foulé les planches 
        depuis quelque temps. Rassurez-vous, il chante franchement très 
        bien. Il n'atteint pas 100% des notes, et la plupart des titres sont un 
        peu transposés, mais dans l'ensemble, la voix de Wetton est tout 
        à fait satisfaisante. C'est 
        même le meilleur élément du concert. |  | 
   
    |  | Parce 
        que pour le reste, il y a de quoi grincer des dents. Pour des "vieux 
        amis", des renards du désert comme eux, et étant donné 
        qu'il s'agit du dernier concert de la tournée, on est effarés 
        d'entendre à quel point ils ne sont pas ensemble ! La mise en place 
        est très souvent hasardeuse, il n'y a pas de vraie cohésion 
        de groupe, et par moments on dirait un très bon groupe amateur 
        qui reprend les chansons - je n'exagère en rien. Alors oui, on 
        a connu pire (au hasard : Duran Duran, Ayabiye, Mike Oldfield), mais comme 
        on n'attendait rien de moins que de l'excellence, c'est peu de dire qu'on 
        ne l'atteint pas. Les très rares changements d'arrangements sont 
        totalement pourris (les ralentis foireux sur Time Again : aïe ! Le 
        renversement d'accord abandonné (!) sur Wildest Dreams : ouch !). 
        Geoff Downes se fait ridiculiser par lui-même sur ses propres playbacks 
        : l'unique moment où il ne joue pas trop lentement, c'est sur le 
        final de Cutting it Fine, précisement là où il aurait 
        dû ralentir ! | 
   
    | Globalement, 
      le son du groupe est assez décevant, sec et petit. La batterie de 
      Palmer manque cruellement d'ampleur (dommage car son solo est à 10% 
      aussi bien que ce qu'on trouve sur Internet, soit 450% mieux que tout le 
      monde), la guitare de Howe est parfois inaudible, ses solos ridiculement 
      étouffés ; quant à Downes, il sort des sons de synthé 
      hallucinants de ringardise - oui messieurs dames, ils sont PIRE que sur 
      les albums originaux. La setlist n'est pas faite pour rassurer : certes, 
      on trouve l'intégralité du premier album (pas dans l'ordre), 
      mais pour le reste, c'est assez couard : une face B, trois titres du second 
      album, et rien d'Astra (pas même un petit Go ! pour réveiller 
      le spectateur). Quant aux albums suivants, il paraît évident 
      pour le groupe que John Payne est mort pendant la guerre des Malouines. 
      Et encore, sur les trois titres d'Alpha, deux sont en version acoustique, 
      dont une (Don't Cry) particulièrement ratée. C'est pas bezef, 
      quoi : Howe nul (une fois de plus devrais-je dire), Palmer en décalage, 
      Downes un peu hors-jeu, des titres cultes pas massacrés mais pas 
      loin, comme dirait Philippe Lucas, ça sentait le canné en 
      roussi, non ? |  | 
   
    |  | Et 
        puisque Dieu n'existe pas, il faudra donc imputer au public japonais et 
        son légendaire amour du progressif le miracle qui s'est ensuivi. 
        Conscients que peu, c'est pas assez, les quatre musiciens ont parsemé 
        le concert de chansons de leurs anciens groupes respectifs : Roundabout 
        pour Howe, Fanfare for the Common Man pour Palmer, rien de moins que In 
        the Court of the Crimson King pour Wetton (mazette) et un surprenant et 
        rigolard Video Killed the Radio Star par Geoffrey Downes, enfin Geoffrey 
        Buggle. Surprise ! Le son se fait plus gros, la mise en place bien meilleure 
        (euphémisme), les musiciens s'offrent des solos déjantés 
        à rallonge, même Downes arrête de concurrencer Charly 
        Oleg (sauf sur Fanfare, mais c'est normal). Oui, c'est vraiment horrible 
        comme constat, mais il est bien réel et irréfutable : pour 
        le concert de réunion du groupe Asia, les quatre meilleurs titres 
        sont les quatre qui ne sont pas d'Asia. Ca en dit très long sur 
        le degré de pertinence artistique, n'est-ce pas ? | 
   
    | Le 
      DVD étant signé Eagle Vision, on s'attendait à du très 
      grand. Loin d'être décevant, le disque pêche par manque 
      de matière première, surtout sur l'image, techniquement excellente 
      mais ne montrant... pas grand-chose ! Il faut dire que sur scène, 
      c'est pas Rammstein... (pour tout dire, même Dream Theater propose 
      des écrans de fond plus intéressants). Le son 5.1 est spatialisé 
      de façon artificielle (claviers doublés sur l'arrière) 
      et ce n'est pas plus mal : ça cache la misère de la stereo 
      originale et ça donne du corps. Plus intéressant, vous avez 
      aussi une interview non sous-titrée, mais compréhensible (à 
      cet âge-là, ça parle lentement), des 4 gaillards qui 
      reviennent sur leurs débuts musicaux (passionnant, surtout Wetton), 
      la naissance du premier album, avec anecdotes sympas mais ton général 
      assez vague, et puis ensuite, euh... à l'armée on appelle 
      ça exercice de déplacement massif et contigü de troupes 
      sur sables mouvants : Palmer et Howe s'en moquent un peu, Wetton tente de 
      faire du Dany Boon (tout va bien), et Downes reste très, trèèèès 
      évasif. A l'entendre, Asia a effectivement continué apres 
      Astra : ils ont enregistré une compil en 1990, voilà, point. |  | 
   
    |  | J'exagère 
        un "peu", mais ce "peu" n'est pas plus gros que la 
        mine d'informations incroyable, fourmillante, passionnante qu'il ne DIT 
        PAS sur l'ère Payne - je sais, ce n'était pas le sujet de 
        ce DVD, mais l'information à retenir est que ça ne sera 
        JAMAIS le sujet, et qu'il le fait bien comprendre. Interview donc à 
        suivre, absolument pas ennuyeuse ni inutile, mais prenant une tournure 
        de ton à en laisser plus d'un interloqué, à l'image 
        du concert d'ailleurs. Malheureusement, et là je vais pratiquer 
        un humour noir bien corsé, la phrase de mauvais aloi que l'on retiendra, 
        c'est celle de John Wetton qui nous dit remercier les fans "du fond 
        de son cur". Quand on connaît l'etat d'icelui, ca frise 
        la blague de mauvais goût - un peu comme ce concert, quoi, bis répétita. 
        Pas grave, l'ami John semble s'être remis de son opération 
        cardiaque (nous lui souhaitons sincèrement en tous cas), et en 
        revoyant ce DVD, il peut se sentir légitimement fier : lui, le 
        revenant, l'oublié, il en est le meilleur protagoniste, et de loin. 
        Maintenant, si Monsieur Downes voulait bien se rendre à la caisse 
        centrale, y'a deux-trois vigiles qui aimeraient lui poser quelques questions...  15-10-2007
 |