Belle scène, voix qui ne faiblit à aucun moment, énorme professionalisme des musiciens

Note globale


Concert froid et impersonnel, mise en images parfois pathétique, son raboté au papier de verre

Editeur : Sony Music Video
Durée totale : 3 h 26

(Une piste stéréo était peut-être trop demander ?)

Image        PAL

Livret avec les paroles (bien !)
Making-of de l'album "S'il suffisait d'aimer" (26 min)
Making-of de l'album "Let's talk about love" (56 min st fr)
Construction de la scène (1 min)
Karaoké du medley (10 min... et c'est un karaoké AVEC la voix et SANS témoin... c'est nouveau, ça doit me dépasser intellectuellement je suppose...)

Outre une définition pas transcendante, nous avons aussi le gratin de tout ce qu'il ne faut pas faire lorsque la musique n'est déjà pas géniale : la faire passer au second plan. Seuls les gros plans sur les doigts valent le coup, et bien sûr le final avec la scène-bateau ; le reste n'est que poudre aux yeux.
Ne parlons pas du 5.1 en tant que piste surround : c'est clairement raté. En tant que substitut de stéréo, on est à la fois ébahis par la clarté absolue de chaque instrument, et navrés par la platitude de la dynamique, renforcée par l'absence d'une vraie stéréo. Ecoutable mais bien trop propre.
Pas mal pour un "best-of-en-stade". Jolie alternance de chansons françaises et anglaises. Cependant on sera forcément déçu de voir qu'aucune prise de risque n'est de la partie, si ce n'est une horrible petite chose sans intérêt à tendance wesh-wesh-je-suis-in-zeu-coup.
Deux making-of à la fois sympathiques et totalement formatés, pour ne pas dire chancres de la pensée unique, et qui n'ont rien à voir avec le programme principal. Pas grave, on apprend des choses et c'est sous-titré.

"Mais c'est d'la meeeeerde !" répétait à l'envi un certain Jean-Pierre Coffe. Le même Coffe qui, paré d'une réputation d'Attila de la gastronomie, choquait les esprits passéistes lorsqu'il affirmait que les produits congelés n'étaient pas de mauvaises choses car, selon ses propres termes, "congelez un truc bon, il ressortira un truc bon" (ce avec quoi je suis d'accord, il n'y a qu'à goûter certains plats de chez Picard, pour faire de la pub à une boîte injustement décriée). Le plus important là-dedans est de ne pas briser la chaîne du froid. Mais surtout, le piège fatal, ce sont les plats congelés faits pour être mangés froids (pain surprise, gazpacho, vengeance...). Réchauffez-les trop, ils deviennent immédiatement dégueulasses ; pas assez, vous tomberez malade à coup sûr. C'est pourquoi il est si regrettable que le cas de Céline Dion, donnant ici les premiers concerts de "variété/rock" au Stade de France fraîchement construit, conduise au disque décevant qu'est "Au cœur du stade", car quitte à n'avoir qu'un fumet très chiche, au moins aurait-on préféré briser cette chaîne du froid.
Quand on parle de chanteuse de variété, Céline Dion en représente la quasi-quintessence, et ce de façon internationale puisqu'elle mène une double carrière aux USA et en France. Tous les poncifs du genre semblent cristallisés dans ce petit bout de femme dont le public type est relativement proche de celui de son ami Michel Drucker, public donc assez grand pour remplir le Stade de France, jusqu'à 80.000 places en serrant les coudes. Du reste, le projet était alléchant : une des chanteuses les plus connues au monde, donnant un spectacle dans un énorme stade et devant "son" public, et en prime alternant tubes en français et en anglais. Au final, on retiendra avant tout la fadeur et la froideur de ce qui fût pourtant considéré comme l'évènement musical de l'année. Parrainé par NRJ et TF1. Oui, on aurait dû se douter de quelque chose...

Les musiciens, d'abord. Apparaissant mais surtout disparaissant sous une scène à géometrie variable très bien fichue (et changeant à chaque chanson), ils sont incroyablement doués. Ils ont une précision de tous les diables, un savoir faire bluffant, un éclectisme bienvenu (passer de Goldman à Horner en passant par du r'n'b le requiert). Les verra-t-on ? Pas trop (on y reviendra) mais assez pour s'assurer qu'il n'y a pas de playback (ou alors il est magnifique !). Les entendra-t-on ? Là est l'autre problème. La prise de son des instruments est totalement exceptionnelle, surtout provenant d'un stade gigantesque. Le moindre balai sur les cymbales, le moindre glissé sur une basse, la moindre erreur sur un obscur synthétiseur en fond sonore s'entendent de façon parfaitement distincte. Hélas. Car côté mixage, il n'y a pas un poil de cul qui dépasse : tout est épouvantablement lisse, raboté, les fréquences sont délimitées type mur de Berlin, les grosses guitares font "miaou" et les cuivres font "poin poin" : en un mot comme en cent, tout est fait pour que l'attention se porte sur Céline, et rien qu'elle, et évidemment hors de question de réveiller le téléspectateur avec une note qui dépasserait. Même des Mariah Carey ou des Isabelle Boulay ont des musiciens plus vivants : ici, malgré l'exceptionnelle qualité musicale, on a la pénible impression d'entendre un album studio. De Céline Dion, en plus.

Céline qui elle aussi n'est pas exactement la showgirl de nos rêves. Vocalement, rien à redire, elle est par-fai-te. Pas un mot de travers, elle mérite vraiment son succès au vu des efforts qu'elle déploie et du résultat impeccable. Les transitions entre les chansons seront bien moins convaincantes : monologues interminables sur René, remerciements qui peuvent paraître complaisants, contact humain trop monolithique, et puis la grosse faute de goût, au milieu d'une garde-robe changeante et plutot sympathique : endosser une robe type maillot de foot est vraiment une façon bien arriviste de se mettre dans la poche la frange la plus basse d'un public.

Ah ben tiens, parlons-en de celui-là. Non content de montrer au grand jour la moyenne de son QI en ovationnant une connerie de maillot, comme si leurs rétines voyaient la couleur bleue pour la première fois, ledit public n'est là que pour Céline. Pas ses chansons, hein : elle reprendrait Blackwater Park d'Opeth ou Phallus C d'Osibisa qu'il s'en foutrait, ce brave public. Il est là pour applaudir entre les titres, voire verser une petite larmichette, mais les chansons ne sont clairement pas sa priorité. Comment alors s'étonner de la présence au milieu du set d'une espèce d'horreur rapcaille wesh-wesh d'un mauvais goût immonde, qui vocalement lui sied comme une nuisette a un papillon, et qui, avec l'épisode du maillot, fera de ce DVD une aubaine pour les détracteurs de Céline qui ne veulent voir en elle que ses défauts ? Bref, un public très nombreux, mais qui paradoxalement achève de faire du concert un happening glacial. Achève ? Non. Gégé va s'en charger.
Parce que sur ce coup-là, vous avez un best-of de tout ce qui fait la réputation de Gérard P. en tant que réalisateur de films musicaux. Certes, on l'a vu, la mise en scène est très réussie malgré le côté (faussement) dépouillé, et le montage n'arrive évidemment pas à louper les lumières grandioses, les petits détails, les costumes. Pour le reste, accrochez-vous : les faux flous sont légion, l'image entière passée comme dans un voile pas lavé depuis les Mérovingiens, et le pire de tout, Pulli s'amuse, à travers moults filtres, à esseuler Céline "au cœur du stade", rendant invisibles le public et les musiciens. N'est-ce pas merveilleux ? On a un live avec 80.000 spectateurs qui sonne effroyablement vide, et pour assaisonner le tout, Gégé isole la chanteuse ! Résultat : ce n'est plus un frigo, ce DVD, c'est Antarctica, sauf qu'on a remplacé Vangelis par David Foster. Le son, les chansons, bref la musique manque cruellement de personnalité, tandis que l'image, elle, en déborde, de la dernière personne à qui on voulait avoir affaire !
On a vu que la prise de son était bluffante, quid du son par lui-même ? Eh bien le DVD n'offre qu'un Dolby 5.1 et rien d'autre. Les possesseurs de stéréo vont bien sûr faire la gueule : les drops de volume sont récurrents et tout est mis à plat, sans aucune dynamique. Le 5.1 par lui-même n'a vraiment rien d'exceptionnel : quasi-aucune spatialisation des instruments, seulement du public, quand icelui n'hiberne pas. La réverb du stade est la seule chose qui squattera durablement vos enceintes arrières, et là encore, ça ressemble plus à un studio qu'à un stade de 80.000 personnes. Les bonus sont eux plus drôles. Enfin, ça dépend de quel côté on se place. D'abord un karaoké du medley acoustique de vieilleries. Très fort, le karaoké : ils n'ont pas supprimé la voix ! J'en fais autant, hein. Ensuite, "les coulisses de l'enregistrement (mais duquel ?) ", deux making-of... qui n'ont RIEN à voir avec le spectacle, puisque ce sont deux making-of de ses (alors) deux derniers albums.
Et là aussi, même si on les prend comme ce qu'ils sont réellement, à savoir des... bonus, tout n'est pas rose. Le gros morceau est l'album Let's Talk About Love, qui réunit un casting ultra-prestigieux (Pavarotti, Streisand, Foster, Bee Gees...). 56 minutes, qu'il dure. Et ce n'est pas qu'il soit ennuyeux ou inintéressant, ni même qu'il manque d'humour, mais sur 56 minutes, vous n'avez pas UN plan sur un musicien. Ainsi ce cancer de la musique qui consiste à ne considérer QUE les chanteurs n'est pas un mal purement français. C'est honteux : à part deux producteurs qui mettent la main au piano, et encore juste des balbutiements, vous n'avez rien, ni basse, ni guitare, ni batterie, tous ces instruments du Malin qui pervertissent notre belle jeunesse. Ca en dit long, pas vrai ?

Le making-of de l'album français sera un peu meilleur à ce niveau, tout en restant superficiel, la faute à un manque de fil conducteur, les passages intéressants étant jetés en pâture à la volée. Rien d'autre, pas d'explication sur la construction de la scène (un timelapse n'est pas un making-of, c'est juste un gadget amusant), sur le choix de la setlist ou autre, rien pour réhausser le niveau d'un DVD plein de promesses mais lisse, désespérément lisse. C'est un constat qui paraît amer, mais soyons réalistes : ce n'est pas comme si Céline n'avait que ce DVD en guise de dernières cartouches à griller. Loin de là, tabernacle et caribou !


15-02-2008

PS : René vô bieeeeen !

Juin 1999 - Stade de France (Saint-Denis)


01. Let's talk about love
02. Dans un autre monde
03. Je sais pas
04. The reason
05. Je crois toi
06. To love you more
07. Treat her like a lady
08. Terre
09. J'irai où tu iras
10. S'il suffisait d'aimer
11. On ne change pas
12. I'm your angel
13. The power of love
14. Medley acoustique
15. Love can move mountains
16. Stayin' alive / You should be dancing
17. Pour que tu m'aimes encore
18. My heart will go on


Céline Dion - Chant   
   Claude Mégo, Yves Frulla - Claviers
Dominique Messier - Batterie   
   Marc Langis - Basse
André Coutu - Guitare   
   Paul Picard - Percussions
Jean-Jacques Goldman - Chant, guitare   
   Taro Hakase - Violon
La Chorale des Hauts de Seine - Choeurs