Image meilleure que prévue, son très propre (hélas)

Note globale


Concert charcuté et de toutes façons aussi inintéressant pour nous que pour eux

Editeur : Universal
Durée totale : 1 h 34

Image        PAL

Rien. Il manque même 35% du show...

Pour un transfert vidéo de 92, c'est étonnamment propre. Les couleurs sont belles et ne bavent pas beaucoup, la définition est presque clean. La réalisation est un peu mollassonne mais pas plus apathique que les musiciens.
Que du stéréo, mais avec 9 musiciens, on aurait pu s'attendre à une bouillie informe, il n'en est rien et en surround vous pourrez même entendre Paul Franklin derrière vous. Arrêtez de sourire, ça se voit.
Un concert mauvais, ennuyeux, inutile, et comme si ça ne suffisait pas, coupé de tous les côtés. Reste le toucher de guitare, immortel, inattaquable.
Et puis quoi encore ?

Qu'il y a-t-il de plus triste qu'un mauvais concert ? Un groupe fatigué. Autrement dit, si le concert est raté, c'est clairement la faute des musiciens qui, de toutes façons, en sont réduits à une extrêmité où ils s'en foutent carrément. Mais, et c'est le paradoxe, qu'est-ce qui peut être encore pire qu'un groupe fatigué ? Un public ravi. Car le second apporte de l'essence au premier. Donc en musique, le pire qui pourrait arriver, c'est un groupe las, un peu obligé de tourner parce que la somme de fric à se faire est tout simplement incontournable, et qui remplirait des stades entiers de telle façon que la tournée pourrait durer plus d'un an sans désemplir, avec bien sûr un groupe plus vidé et plus démotivé à chaque date. C'est exactement ce qui s'est passé avec Dire Straits en 1991/92, et la tournée a eu un succès tout simplement colossal. Colossal à un point inimaginable. Une tournée qui fût la première du genre "sponsors à gogo", journaux télévisés en prime time partout dans le monde, ultra-saturation des médias, de TOUS les médias, bien évidemment CD live qui en découle (avec CD single d'inédits pour faire cracher un peu plus le client), et donc un tel engouement global que le tout devient quasi-intouchable. Rapportez donc tous ces éléments au début du paragraphe et imaginez un peu l'étendue du désastre.
Petit rappel historique : en 1985, Dire Straits est passé de groupe majeur à groupe incontournable. L'album Brothers In Arms, succès public énorme, a donné suite à une tourné mondiale franchement ridicule quand on connaît le côté humble et intimiste de Mark Knopfler. Et déjà à l'époque, les critiques fusent : beaucoup trop de synthés, batterie triggée à mort, pas assez de vie. Ces critiques n'étaient pas tout à fait gratuites. Cependant, même si aucun live officiel n'en est sorti (difficile de venir après l'immense Alchemy, qui avait DEJA les deux synthés, bizarre bizarre), les très nombreux pirates, souvent d'une qualité bluffante, ont montré aux auditeurs un groupe soudé, souriant, avec un son énorme et décuplant les mélodies. Love Over Gold, le über-album, n'était pas si loin. Ce qui nous amène tout naturellement à On Every Street, qui est, là je crois être inattaquable sur ce sujet, le plus mauvais album du groupe, si groupe il existait encore. Sorte de bâtard entre le "retour aux racines folk" que Knopfler souhaitait depuis 1987 et la pression commerciale stupidement lourde organisée par Philips (..."c'est déjà deux mains. C'est cool mais ça suffit pas toujours pour être gratteux"), On Every Street mélange de magnifiques chansons (You and your friend, Planet of New Orleans, Iron Hand, la chanson-titre et son arpège final diabolique... toutes les chansons douces quoi) et des pseudo-tubes "rock" qui sont une sorte de "anti-tribute" à Chet Atkins avec de sacrées fautes de goût et un côté roboratif, non, carrément robotique, plus que gênant mais carrément détestable.
Manque de pot, sur ce live typique de la tournée où peu de changements ont été effectués (tous les nouveaux titres ayant cependant été joués une fois), point de Iron Hand, de Planet, à peine le ...Friend sabordé et le Every Street bâclé à force d'augmenter le tempo. Pour le reste, ah là là ! Ma bonne dame, que dire ? Non mais regardez la setlist. Les plus mauvaises chansons du groupe : Walk of life qu'aurait jamais dû voir le jour, Heavy fuel, The bug, même Solid rock qui a épouvantablement mal vieilli. De bonnes chansons qui sont rendues au sens viscéral du terme (comme quand vous rendez une huître avariée). Local Hero pour terminer le set, ce qui est incroyablement original, couillu et inattendu, surtout pour une tournée "d'adieu" (on le sentait déjà à l'époque). Un Calling Elvis pour ouvrir le set, idéal : pourquoi ouvrir le concert avec un tube de trois minutes quand on peut en faire dix minutes avec cinq de vide au milieu ? Et enfin, on en revient à ce qu'on disait au début, des musiciens épouvantablement absents.
D'abord, les synthés. Sur Alchemy, ils étaient flamboyants. Sur la tournée 86, ils étaient largement plus froids. Mais efficaces, très efficaces. Ici, ils sont deux, ils ont 3 claviers chacun, et ils font de la figuration. Les rares fois où ils jouent de vraies parties, c'est pas terrible. Ca fait séquenceur, ce qui n'est pas le but recherché. Ou peut-être que si, mais par Philips, pas par Marco. Ensuite, les musiciens autres que Knopfler. John Illsey a toujours un son beau et rond, et toujours un jeu de scène proche de celui de Philippe Douste-Blazy, et on se demande, sans méchanceté aucune (j'aime beaucoup ce mec), si ce n'est pas du playback sur un séquenceur basse. Le guitariste rythmique joue inlassablement la même chose. Le batteur s'ennuie un peu. Le percussionniste est omniprésent et casse plus de burnes que de peaux. Et puis il y a Paul Franklin. Ah, la sale bête ! Virtuose du pedal steel, il a cru bon d'en foutre partout, tout le temps. Ecoeurant de glucose non raffiné dès Calling Elvis, il impose à tout le concert (court, même carrément écourté puisqu'il manque 35% du concert, merci Univers Sale) une sorte de tapis sonore uniforme qui est à même de mettre à l'épreuve les nerfs des plus résistants d'entre vous.
On allait oublier une personne. C'est bête, vu que c'est de très loin le leader. Mais c'est vrai qu'avec 8 musiciens autour, il passe presque inaperçu. Mark Knopfler... Le pauvre. Je ne dis pas ça par pitié, mais par compassion. Il n'a jamais été très exubérant sur scène, mais là, c'est pire que tout. A côté, Richard Barbieri c'est Gary Cherone. Il ne s'ennuie pas, non. Il s'emmerde, très profondément. On pourrait presque lire dans ses yeux qu'il est en train, pendant tout le show, de faire le bilan comptable entre son intégrité qu'il laisse de côté et les albums solos indépendants qu'il pourra s'offrir après. Ses doigts sont toujours aussi magiques, son toucher aussi fabuleux, peut-être plus encore qu'en 1986, mais c'est bien tout ce qui le sauve. Ce qu'il joue est beau mais un peu plat (formaté est le terme réel), et quand il chante, on se demande pourquoi Dire Straits n'est pas devenu un groupe instrumental tellement il mâche les mots sans vie.

Engoncé dans une tournée marathon stupide mais draînant un public énorme, Knopfler mettra rapidement fin à la farce qu'était devenue son groupe pour se reposer puis entamer une carrière solo aussi intransigeante que durable. A l'époque personne n'aurait parié un kopeck sur ladite carrière solo, ce qui explique les mauvaises critiques de Golden Heart, son CINQUIEME album solo (et pas son premier, à moins de ne pas compter les musiques de film, et dans ce cas répudier "Wild theme"... ce qui serait drôlement ennuyeux, vous ne trouvez pas ?). A l'inverse, j'étais parmi les premiers à trouver que Dire Straits avait commis l'album et surtout le live de trop. Irrémédiablement endormant, le live On The Night, à la pochette d'un goût exquis made in Philips, a donné lieu à une VHS transférée ici telle quelle en DVD. L'image est propre, beaucoup plus qu'attendu, le son est toujours aussi formaté et rempli de vide (il faut le faire, foutre neuf musiciens sur scène et avoir un son global si pauvre). Aucun bonus. Aucun titre en plus. A part l'image, aucune raison de préférer ce live-là à un pirate de l'époque. Et honnêtement, vu la tournée, aucune raison de préférer un pirate de 92 à n'importe quel autre enregistrement de n'importe quelle autre époque. On a déjà vu de très grands groupes mourir et disparaître, mais rares sont les documents testifiant de leur déchéance : si vous doutiez de la raison pour laquelle Knopfler a cessé net ses activités Straitesques, regardez quinze minutes de ce concert de zombies surpayés et vous comprendrez. Le DVD durant 1 h 35 et le concert réel 2 h 20, je vous laisse imaginer les beaux roupillons que vous auriez pu vous taper...

Mai 1992 - Nîmes et Rotterdam


01. Calling Elvis
02. Walk of life
03. Heavy fuel
04. Romeo and Juliet
05. The bug
06. Private investigations
07. Your latest trick
08. On every street
09. You and your friend
10. Money for nothing
11. Brothers in arms
12. Solid rock
13. Local hero - Wild theme


Mark Knopfler - Chant, guitare   
   John Illsey - Basse, choeurs
Alan Clark, Guy Fletcher - Claviers, choeurs   
   Danny Cummings - Percussion
Chris White - Saxophone   
   Paul Franklin - Pedal steel
Phil Palmer - Guitare   
   Chris Whitten - Batterie