Film culte à raison, d'excellents passages, bonus hyper-intéressants (mais Zone 1 seulement), prix ridicule du Z2

Note globale


Deux éditions DVD et aucune des deux n'est définitive, grrrr...

Editeur : Pyramid / Sony
Durée totale : 1 h 48 (Z1)

Image        PAL / NTSC

Scène coupée (2 min non st, Z1)
Interview de DiCillo et Buscemi (16 min non st, Z1)
Commentaire audio (non st, Z1)


ZONE 2
Léger recadrage, couleurs moyennes, master pas très propre, l'image du Z2 est fonctionnelle et ne rend pas justice au film. Rien de honteux surtout pour le prix, mais sur grand écran c'est peu ragoûtant.
La stéréo d'origine, un peu sale et grésillante. Pas ce qui se fait de mieux mais fidèle au matériau d'origine.
Ce film devrait être obligatoire dans toutes les écoles de cinéma. En introduction. Ceux qui ne s'enfuient pas de l'école en courant, ils ont le droit de rester.
Un woualou de troisième catégorie.

ZONE 1
Bien supérieure au Zone 2, notamment pour les couleurs qui sont véritablement plus chatoyantes (et ce n'est pas que le fait du NTSC). Le cadrage est respecté et on regrettera juste des fourmillements encore présents et un poil de grain non voulu.
La stéréo a été "dépoussiérée" mais il reste encore les défauts d'origine. Celà dit les ambiances sont très bien respectées.
This feature should be obligatory in every movie school. As an introduction. Those who don't run away screaming, have the right to stay in. Yes, it is in zone one. Fuckin' zones...
Un commentaire audio tout simplement génial de A à Z, et une session interview complémentaire tout aussi dingue. Le hic : aucun sous-titre nulle part.

Rédak'chef. Quelle stature, quelle emphase ! Rédak'chef, nom de moi-même. Ca me donne tous les droits. Même celui, dont je vais outrageusement abuser ici, de faire une page "en aparté" qui n'a rien, mais alors vraiment rien à voir avec la musique, à quelque niveau que ce soit. On pourra même dire que la musique de ce film est très discrète, extrêmement onirique, et pas formidable du tout une fois isolée. Bref, de musique il ne sera absolument point question dans cette courte chronique. Mais alors, pourquoi en parler dans nos estimables colonnes ? Il doit bien y avoir une raison, non ? Non. Non, j'avais très envie d'en parler, c'est tout. Meuh non, je décoooooonne ! Il y a une raison, elle est extrêmement fine, mais elle est imparable, c'est que la plupart des lecteurs de ce site sont certainement autant intéressés par la musique en générale que par le métier de saltimbanque, et surtout les métiers audiovisuels en particulier. Sinon, vous ne regarderiez pas les clips d'Indochine ou Mylène Farmer ; vous ne regarderiez pas des home vidéos de Marillion ou de Dream Theater qui durent des heures ; vous n'écarquilleriez pas les yeux chaque fois (c'est plutôt rare d'ailleurs) qu'on cite un commentaire audio sur un DVD (s'il est sous-titré, c'est double ration de bave), vous n'auriez pas fait un triomphe aux émissions de Jean-François Zygel, et surtout, surtout, des films comme Cabaret, All That Jazz ou Amadeus n'auraient pas eu un succès si éblouissant. Non, ce qui vous plaît, aux côtés des belles mélodies, des scènes grandioses, des sons qui tourbillonnent et des féroces bêtes de scène, c'est aussi l'envers du décor. C'est pour ça que je voulais attirer votre attention sur ce film culte, adulé dès ses (sa) premières projections, mais scandaleusement inconnu par chez nous comme ailleurs. C'est que "Ca tourne à Manhattan" (marrant, de traduire le titre d'un film qui pourtant n'a jamais eu de doublage en français), ce n'est pas qu'un film expérimental Américain indépendant de plus : pour de nombreuses personnes travaillant dans le milieu du septième art, c'est ZEU film de référence.

Pour le résumer : si vous voulez savoir ce qu'est VRAIMENT le cinéma, regardez ce film.

Ce constat se suffirait à lui-même ; les "professionnels de la profession" et les afiçionados du film sont sûrement d'accord avec mon opinion, mais si vous ne devriendrez peut-être jamais un des premiers, il serait criminel de ma part de ne pas développer un peu, car vous avez beaucoup plus de chances de devenir un des seconds. Ce film raconte le tournage d'un film à petit budget, intitulé "Living in Oblivion" par son jeune metteur en scène qui a bien du mal à mener sa barque. La force principale de ce film (le vrai), c'est qu'on y retrouve exactement l'ambiance d'un tournage, 100% pur vécu, réaliste jusque dans les moindres détails (les morceaux de gaffer partout, l'enregistrement du silence plateau, la hiérarchie des gestes et des métiers...) - mais surtout, on retrouve également une galerie de personnages ultra-authentiques comme rarement le cinéma nous aura délivré.
Le metteur en scène entre précision et stress passant son temps à réparer ses compromis, l'assistante réa' entre la mère juive type Woody Allen et le Waffen SS bionique, le chef op' obsédé par la technique et en proie aux affres de l'amour vaçillant, le beau gosse superstar qui se prend pour le roi du plateau, les techos qui travaillent là pour éviter de postuler chez McDo, l'ingé son dans sa bulle, la scripte pointilleuse avec sa bible sous le bras, TOUT y est, et je vous garantis que... c'est pas du cinoche ! Le jeune réalisateur Tom DiCillo, qui a eu toutes les peines du monde à monter ce projet (et a donc sûrement mêlé une part de vérité à sa fiction), a vraiment tapé dans le mille en dépeignant ce microcosme qui en fait rêver plus d'un mais aussi bien rigoler d'autres. C'est bien simple, lors de sa première projection au festival du film de Deauville, avec un public presqu'uniquement constitué de pros (ils avaient tous flairé le truc ou quoi ?), on était tous écroulés de rire à s'en tenir les côtes. Simplement car on avait tous connu au moins une fois sur un tournage une situation similaire. Au detail près, ce qui donnait parfois aux éclats de rire une tonalité jaunâtre (par exemple, à un niveau personnel, le personnage du chef op' merveilleusement interprété par Dermot Mulroney ne m'a fait rire qu'à moitié, ayant connu exactement la même situation 15 jours avant). Bref, chacun s'est reconnu, sans doute possible, dans la dépiction de ce joyeux univers de doux cinglés.
Mais là où DiCillo a fait fort, c'est qu'il n'est nul besoin d'être dans le métier pour apprécier ce film. Plutôt que de raconter un simple making-of, il s'est amusé à brouiller les pistes, à créer des mises en abîmes que vous ne pourrez apprécier qu'à partir de la seconde vision, et son utilisation très judicieuse du noir et blanc, du décadrage, du off et des effets sonores participe à faire de ce long-métrage une expérience de cinéma très riche, montrant une vraie passion pour cet art, là où certains se seraient contenté d'une simple tendresse et d'une mise en scène plus theâtrale, ce qui vous en conviendrez aurait constitué un paradoxe gênant. Pour notre bonheur, les acteurs, impliqués dans la production du film, sont tous confondants de naturel et de charme, la palme revenant à James LeGros parodiant une sorte de Brad Pitt de seconde zone d'une façon étonnante et même... troublante ! Quant à ceux qui, décidément, ne s'intéressent absolument pas au milieu du septième art et n'en ont rien à secouer des plateaux de from... non, de tournage, ils seront malgré tout rassasiés par le comique de situation dans la grande tradition des comédies romantiques New-Yorkaises.

Pas besoin de vous faire un dessin, si les années 90 nous ont donné quantité de films intelligents, en particulier le cinéma américain qui y a subi une métamorphose bienvenue, Ca Tourne à Manhattan fait partie de ses fleurons. D'ailleurs si le succès n'a pas été au rendez-vous (notamment avec une distribution catastrophique en France), son status de film culte en a vite fait devenir un favori des vidéoclubs. Sa sortie en DVD était donc particulièrement attendue et comble du bonheur, ce n'est pas une mais deux éditions que nous allons décortiquer ici. Vous pouvez effectivement trouver ce film sous deux éditions très différentes. La première, Française, est trouvable dans les films "budget" à un prix totalement ridicule, sans bonus, avec une qualité d'image pas terrible, mais sous-titré (et pas mal du tout ! Je me demande même si ce n'est pas le sous-titrage original de la copie d'exploitation française). Inutile de dire qu'à ce prix, vous pouvez foncer dessus sans hésiter, surtout qu'une ressortie française de meilleure qualité est aussi plausible qu'un discours de Chirac sur les lenteurs de la justice.

Mais s'il y avait un film qui hurlait, qui vociférait, qui cramait, qui crevait d'avoir un commentaire audio, c'est bien celui-ci : heureusement existe aussi un Zone 1 américain qui nous régale à ce niveau. DiCillo délivre un commentaire (non sous-titré mais parfaitement compréhensible) passionnant et sincère, très riche en anecdotes, revenant sur le financement et le tournage plutot particuliers (tourné en deux fois), et nous apprenant entre autres que le film n'a pas été bien accueilli par une seule presse : la française (cocorico !) qui a trouvé le personnage de Steve Buscemi "caricatural et non crédible" (je me répète : c'est l'exception culturelle française ; quand c'est culturel, c'est exceptionnel). Outre cette heure et demie délicieuse, vous y trouvez également une séance de questions/réponses absolument hilarante, lors d'un... festival de cinéma (donc de passionnés, encore une fois). On rajoute que le son est plus brillant que sur le disque Français, que l'image est de bien meilleure qualité, et il ne manquerait donc rien ? Si, des sous-titres, un dézonage et un prix plus correct. Deux fois rien, hein ? Des détails, comme ceux qui sont au cœur de ce film mémorable. Pour en profiter pleinement, vous aurez donc à débourser deux galettes, mais la pilule passe mieux si vous vous dites que vous faites ainsi subsister un des plus beaux arts, plus exactement artisanats, dans sa forme la plus noble. Une plongée sans pitié (et je vous l'assure tres réaliste) dans un univers impitoya. Ableuh.


15-02-2007