Age d'or de Wakeman, mélodies luxuriantes, mégalomanie culottée, super bonus

Note globale


Fautes de goût, mais surtout technique repoussante

Editeur : Warner Music Vision
Durée totale : 2 h 04

 - -

Image        NTSC

Narration sous-titrée uk
Rétrospective : "The Lost Journey" (30 min st uk)

Oh, n'allez pas hurler après la définition : elle fait ce qu'elle peut. C'est tout le reste qui pêche. Non pas que la scène originale ait ressemblé à un show Marylin Jess, mais de toutes façons avec trois caméras, un monteur sous acides et des impayés côté post-prod, aucun miracle n'était prévisible.
C'est une catastrophe. On va être magnanimes car il faut replacer dans le contexte : en live, en 1975, avec un orchestre complet, des vieux synthés et j'en passe. Il n'empêche que même l'importance historique ne suffit pas à gommer d'épouvantables carences.
Un tout petit peu redondant, mais quelle belle pièce historique ! Et des extraits du Roi Arthur en live, c'est inespéré. Dommage que la reprise de Forest soit identique, une version sans narration aurait été bien vue.
Il n'y en a qu'un, mais il est succulent, à condition de parler anglais. A bien y réfléchir, il y en a un autre : la narration sous-titrée, c'est classe. A condition de parler anglais. Sprechen Sie Deutsch ?

Lorsque les punks entamèrent leur pogrom musical en 1977, ils avaient des cibles précises. De nos jours le moindre rebelle qui veut mettre à mal un style se contente de maugréer un "c'est d'la merde", mais à l'époque, les punks et tous les journalistes les suivant en laisse savaient exactement ce qu'ils voulaient détruire, et pourquoi. Ils avaient même des arguments valables. Et parmi toutes ces Cartagho qui Delenda Est (ou n'allaient pas tarder à), figurait le maillot jaune, l'emblême de tout ce qui pouvait dégoûter un jeune de '77 : Rick Wakeman. Affublé d'une cape de Majax, entouré de synthés glougloutants noyés dans une épaisse fumée avec au-dessus une boule à facettes, jouant des cascades de notes avec une prétention classique renforcée par des orchestres bedonnants, des chanteuses tata et des musiciens rock tout aussi enfumés que les susdits synthés. Un cliché ? Pour la plupart des groupes de progressif, oui. Mais pour Wakeman, d'après les survivants nous étions en plein dedans. Preuve en est ici : nous sommes en 1975, Wakeman est déjà millionnaire grâce à Yes, et c'est une époque où les musiciens peuvent tout se permettre - et tout il se permit. Ce n'est qu'avec beaucoup de recul qu'on se rend compte pourquoi : parce qu'il en avait les moyens, et pas que financiers.
Si depuis longtemps le père Rick mène une double carrière chaotique entre son groupe qu'il quitte à intervalles réguliers et des albums solos aussi nombreux qu'éparpillés, il faut rappeler aux plus jeunes que ses trois premiers albums partageaient une production onéreuse, des concepts béton, une mégalomanie affichée... et beaucoup de succès public. Si les trois disques sont tout autant excellents dans leur genre, il est facile de savoir pourquoi Journey en particulier a toujours plu. On ne vend pas douze millions (!) d'albums simplement en enquillant des notes à la limite du vômissement ; il faut savoir charmer l'auditeur, le captiver - et les 38 petites minutes de ce Voyage au Centre de la Terre, adaptation très expurgée de Jules Verne, sont simplement bourrées de passages réjouissants, hautement mélodiques, tubesques (qui ne connait pas l'ouverture de la face 2 ?), et l'on se rend vite compte que derrière les orchestrations Wagnériennes et le concept de deux titres de 20 minutes, se cachent tout bonnement de vraies chansons, bien fichues, sûrement fruits de la collaboration juvénile de Rick avec ce vieux renard de David Bowie.
Journey est moins grandiloquent que The Six Wives et moins ouvertement romantique et épique que King Arthur (vous savez, c'ui qui crèche à Kaamelott), mais son succès populaire était et est toujours amplement mérité. Un petit peu le Muse de l'époque : plus mégalo que Staline et Hitler réunis, mais qui passe à la radio tant c'est universel. Seulement, là où Muse sont trois et peuvent parcourir le monde, il y avait un sacré pas à franchir pour emmener Journey en concert, pire encore dans le cadre d'une tournée mondiale. Las ! Nous l'avons vu en préambule, c'était une époque où les musiciens pouvaient tout se permettre. Wakeman donna donc une quarantaine de concerts avec un orchestre au grand complet, et ce DVD retrace un concert type de la tournée, filmé en Australie (le public est donc bon). Au programme ? Du velours : les meilleurs moments de Six Wives, deux titres de Arthur à l'époque encore inédit, et l'intégrale de l'album Journey, avec orchestre, chorale et narrateur s'il vous plait !
Alors on pourrait effectivement avoir peur, se rappeler pourquoi ces jeunes gens nourris au Jack Daniels et épingle à nourrice au bout du zob ont absolument voulu la peau de ce brave Rick Wakeman (qui à cette époque cultive une ressemblance frappante avec Hans Zimmer). Et de ne pas les comprendre complètement. Certes, tout ce qu'on peut détester dans cette période est rassemblé : les sons de synthé sont hideux (et pas toujours accordés), l'orchestre est parfois dégoulinant, de temps à autres aux fraises (Rick s'en rend bien compte sur un final où deux minutes flottent dans les airs comme un pet de jardinier), le chant est maniéré, le tout reste très prétentieux... Mais l'essentiel est là : les chanteurs sont bons, voire très bons, Journey passe comme une lettre à la poste, les parties funky sont un délice à écouter comme à regarder (ah, cette main gauche !), et Wakeman était déjà un comique né, se moquant de tout et surtout de l'accent japonais (je le vois bien chanter du Buck-Tick tiens !). On rajoute très peu de pains aux claviers, et musicalement c'est un beau témoignage d'époque. Hélas pauvre Yorrick, d'époque prisonniers nous sommes.
Urgh ! La boule à facettes et la fumée, c'était qu'une expression les mecs, je pensais pas que ce serait du premier degré ! Oups, le dinosaure gonflable de un mètre trente-quatre de haut, Spinal Tapesque. OMFG, la toge blanche brodée à motifs argentés... Yikes, le chanteur un poil corpulent, chemise en flanelle ouverte sur torse Saint-Maclou moquette rase qui agrippe les ongles des groupies... Et, what !? HORRIBIFUCKUS ! Le narrateur fraîchement bigoudé, assis dans le fauteuil en rotin d'Emmanuelle avec du eyeliner et un putain de T-shirt moulant à paillettes ! Mes yeux !... MES YEUX !!! Mais rassurez-vous, ce ne sont pas ces détails kitschissimes qui rendent la technique affreuse, mais bien le DVD lui-même. L'image a été plutôt bien conservée, mais elle est d'un inintérêt rarement atteint. Pas un gros plan de l'orchestre, un unique plan sur le guitariste (sur UN morceau), Rick à l'écran 95% du temps, zéro sens du spectacle, montage poussif, effets kaléidoscopiques... Jean-Christophe Averty sors de ce DVD ! A part deux-trois gros plans sur les solos de Moog, et un bon angle sur le clavecin pendant les chansons funky, absolument rien de ce DVD n'est agréable ou même accrocheur.
Le son n'est pas en reste. Oubliez derechef les mixages multi-canaux : le 5.1 n'apporte absolument rien, pas même le public (ou si peu), et le DTS fait exactement la même chose, mais en DTS, ce qui nous fait une belle jambe comme dirait Heather Mills (NDKaworu : Non. Non non non. Là, tu sors). Concentrons-nous sur la stéréo d'origine, ou plus exactement le mono pourri. Alors que les albums de Wakeman regorgent de détails et sont vitcimes d'une production trop ambitieuse pour l'époque (avec des vinyls quadriphoniques ahurissants), ce DVD présente tout ce qu'il ne faut pas faire : orchestre noyé, synthés criants, grosses baisses de volume, réverb naturelle désagréable, tout y passe. Donc, le son ne vaut pas le coup. L'image non plus. Sachant qu'un DVD, c'est principalement de l'image et du son (il n'y a que 2 % de colorants), c'est craintu.

Sauf qu'il y a deux petits détails qu'il ne faut pas passer sous silence. Un, c'est un témoignage historique, et en tant que tel, ne pas sortir ce DVD aurait été une hérésie. Deux, c'est un témoignage historique, et Wakeman le sait bien. Il nous offre donc une rétrospective de 30 minutes où, accompagné de ses anciens musiciens, et par le biais de sous-titres anglais assez indispensables, il revient sur l'album, la tournée, les anecdotes, et le tout avec son sens de l'humour qui le caractérise. C'est irrésistible : ce gars a tout vu, tout vécu, et lui comme ses comparses reviennent sur cette tournée mégalo avec un sens de la simplicité déconcertant. Et là, même si on a les dents qui fondent à chaque fois que le mot progressif est prononcé, il faut admettre l'évidence : l'homme que les punks voulaient tuer s'auto-casse sans hésitation avec un sens de l'à-propos que bien des musiciens, plus jeunes ou plus rebelles, devraient lui envier. Alors quoi ? Ce DVD serait-il une petite leçon de musique à lui tout seul ? Farpaitement. Avec quatre vodka dans le bide, il passe mieux... Mais à jeun c'est déjà bien. Suffit juste d'avoir l'estomac bien accroché.

Bak... hips !
18-08-2010

4 février 1975 - Sidney Myer Music Bowl (Melbourne, Australie) - Non mais vraiment... jouer à Melbourne dans un centre qui s'appelle SIdney...


01. Catherine Parr
02. Guenivere
03. The journey
04. Recollection
05. The battle
06. The forest
07. Catherine Howard
08. Merlin
09. Anne Boleyn
10. The forest (reprise)


Rick Wakeman - Claviers   
   Jeffrey Crampton - Guitare
Roger Newell - Basse   
   Barney James - Batterie
Ashley Holt, Gary Pickford Hopkins - Chant   
   John Hodgson - Percussions
The Melbourne Philharmonic Orchestra - Cordes & cuivres   
   The Melbourne Chamber Choir - Choeurs
Terry Taplin - Narration   
   Verdon Williams - Direction d'orchestre