Une très belle édition, bien qu'encore perfectible, pour 150 balles c'est un bel objet relativement rempli

Note globale


Un film d'une phénoménale molesse, d'un ringard fini, d'un vide musical assez effrayant... et quelques couacs dans l'édition DVD

Editeur : Metropolitan
Durée totale : 5 h 45

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Image        PAL

Reproduction du dossier de presse
Sous-titres français (partout)
"Derrière le masque" (67 min)
Making-of du film (45 min)
Featurettes très diverses (68 min)
Karaoké en français chanté français (! 3 min)
L'opéra selon Webber (17 min)
Scène coupée (2 min)
Bande essai d'Emmy Rossum (3 min)
Bande-annonce (2 min)
Galerie de 20 photos

Note punitive car c'est quand même très beau, mais il y a une définition parfois bizarre pour un film de 2004, des couleurs un poil ternes et d'autres trop baveuses (le rouge à lèvres d'Emmy Rossum est ignoble). Mais là je chipote car globalement Metropolitan a - comme toujours - fait du bon boulot.
Aucun mix stereo, c'est honteux. Le 5.1 est très bien spatialisé mais souffre d'infrabasses limite traumatisantes. Le DTS est plus sage et les voix y sont magnifiquement claires (une perfection dans le genre) mais les deux mixes ont le même problème : ça pète inutilement (racoleusement) et les instruments hors-classique sont mixés d'une façon navrante.
Trois points : un pour les décors et les costumes, un pour les yeux d'Emmy Rossum pendant la seule bonne séquence du film (trente secondes), et un pour le faux heavy metal de bazar qui m'a bien fait marrer. Pour le reste, il ne manque que Darry Cowl, Pierre Doris et Marthe Mercadier pour compléter le tableau.
3 heures de bonus sous-titrés, en 16/9 classe, très exhaustifs (même si passer 23 minutes sur un lampadaire, c'est moyen). En revanche, il y a des oublis fâcheux : pas de mix stereo, pas de sous-titres anglais (!!!!!), et un karaoké extrêmement concept.

Les idées, ça va ça vient, c'est ce qui fait bouger (et même parfois reculer) le monde. Ce qui m'étonne donc, c'est que des idées puissent être mauvaises. Je veux dire mauvaises sur la longueur, sur la durée. Il y a effectivement des idées catastrophiques qui ont survécu à tout. Dans le domaine qui nous intéresse, quelques idées particulièrement délétères ont survécu aux modes, aux budgets, aux rachats de studio, aux valses de chaises, et surtout, bien plus important et inquiétant, à la réflexion. C'est à dire que l'idée d'adapter la comédie musicale d'Andrew Lloyd Webber en film Hollywoodien, qui plus est confier la tâche (je choisis toujours mes mots) à Joel Schumacher, c'est une idée qui en l'espace de trois nano-secondes se désagrège d'elle-même, se dissout dans l'eau minérale et à la rigueur se reverse dans le lave-linge en tant que substitut de Calgon. Et pourtant, en 2004, on a vu arriver une horreur tout droit sortie de cette farfelue lubie. Et D.D.S. de s'interroger : il n'y a donc eu personne en l'espace de douze ans qui ait eu la moindre opportunité d'oser lancer l'idée comme quoi peut-être ce projet était-il légèrement inutile, voire complètement con ?
Fin 2004, les dés sont jetés. Phantom... est le film indépendant le plus cher au monde, le documentaire vous l'apprend mais ca fait du bien (du mal, plutôt) de le rappeler. Le résultat ? Il est plutôt fidèle à la comédie musicale, ce qui était la volonté de Webber et de Schumacher, le but étant d'offrir le même spectacle à des gens qui n'auront pas l'occasion d'aller au théâtre. Hélas, hélas, hélas. Le résultat final est un insupportable worst-of du genre : du pompeux faussement glamour plus des trémolos d'opéra plus du heavy metal de bazar, le tout enrobé de bons sentiments totalement gluants et déplacés. De temps en temps, comme ça, sans raison, un des deux personnages (Raoul notamment mais le Fantôme n'y échappe pas) déclâme un "Christine je t'aiiiiimeuh" roucoulant qui n'a strictement rien à voir avec quoi que ce soit à ce moment de l'histoire. C'est un peu si j'avais braillé "Sandrine je t'aiiiiimeuh" quand elle me demandait si je prenais un ou deux sucres avec mon café. Oui, c'est à ce point. Il y a d'autres choses : le tube du film, rempli de boites à rythmes, de grosses guitares (mixées au fin-fond des limbes) et avec une mélodie très accrocheuse et une idée musicale excellente (et pour cause, elle est complètement pompée sur Echoes de Pink Floyd). Un tube ultra-kitsch mais irrésistible et, plus grave, qui est l'unique représentant de sa catégorie. Tout le reste est une opérette entre Georges Guetary et du sale Mozart de base. On va rajouter deux personnages "comiques" (j'en ris encore) dans la lignée des deux vieux du Muppet Show, et qui sont drôles et pertinents comme un spectacle d'Anne Roumanoff, et on a une idée précise du néant.
Pire : l'histoire est incompréhensible si vous n'avez pas lu ou vu une adaptation du roman original. C'est tellement décousu que même une Brother pourrait faire mieux. Les personnages sont creux, fadasses. Tout celà est imputable à la comédie musicale d'origine, victime de plotholes gros comme des camions et de textes particulièrement débilisants et mielleux, car il faut l'avouer, Phantom... à ce niveau est un ratage. Le plus gros souci dans l'histoire, c'est que Webber, en tant que producteur, a demandé à son réalisateur d'être le plus fidèle possible à la pièce. Résultat : le triomphe du cinéma de papa. Mais diantre, où est passé Joel Schumacher ? Où est passé le réalisateur de St Elmo's Fire ? Où est l'homme qui a créé Génération Perdue, film hautement surestimé mais avec une esthétique clipesque maîtrisée ? Où est, surtout, celui qui nous a offert Chute libre et le magnifique Expérience Interdite, avec sa photographie (signée Jan DeBont) sublime et son propos intelligent ? Ici, rien de tout ça. Les chorégraphies sont superbes mais ne servent pas à grand chose, l'essentiel - le coeur, l'âme - est totalement absent. L'utilisation de CGI, devenus incontournables dans le cinéma actuel (et pourtant si, on peut les contourner, je vous assure) rend complètement factice la destruction de l'opéra, et la scène du lustre, seul bon point indéniable de la pièce, est à la limite du ridicule. Seuls bons moments : les yeux d'Emmy Rossum, la séquence où le fantôme demande "pourquoi ?" (mais ce passage serait douloureux même dirigé par Jean-Marie Poiré), et le tube qui fait taper du pied.
Fort heureusement, le DVD présenté ici a été particulièrement soigné par Metropolitan, à commencer par les bonus (eh oui, quand le programme principal est indigent, on passe aux bonus). Déjà, pour un prix plus que correct, on a droit à un packaging somptueux, et un livret reprenant in extenso le dossier de presse. Dossier à crever de rire devant tant de flagornerie, mais au moins il y a à lire, et beaucoup. Ensuite, vous avez trois heures de bonus, 16/9, sous-titré français et j'en passe, et difficile de faire la fine bouche tant tout y est décortiqué. A commencer par un excellent documentaire sur la création de la comédie musicale, avec moults extraits rares des dfférentes représentations, des interviews des deux paroliers (car ils se sont mis à deux pour écrire de telles affliges). Et là de s'étrangler devant quelques énormités. Parce qu'entendre Lloyd Webber dire que le roman de Gaston Leroux est mal écrit, et qu'il l'a amélioré, il vaut mieux entendre ça que d'être sourd, encore que la seconde option permette d'échapper aux horribles "mélodies" dudit Webber. Pour le reste, chacun s'accorde à dire que c'est un génie. Qu'Alan Menken et Claude-Michel Schonberg se rassurent : c'est certainement du second degré.

Pour le reste, on a droit à un tas de featurettes assez longues et détaillées, ainsi qu'un making-of de 45 minutes où là on peut se rendre compte du supplice qu'a été le tournage. Non, je ne parle pas de la sueur, des répétitions, des décors il est vrai sympathiques, des costumes chouettes, non : je parle de la pauvre équipe technique qui pendant des semaines s'est parfumée les playbacks de Lloyd Webber à longueur de journée, cent fois, mille fois. Pauvres acteurs aussi qui ont dû apprendre... à chanter déjà puisqu'ils ne sont pas chanteurs, et ensuite à assimiler des mélodies compliquées et inutilement virtuoses pour un résultat plutôt piètre. Au niveau du son, le résultat est excellent lorsqu'il s'agit d'orchestre, et nul dès qu'on s'en éloigne : les basses, c'est une catastrophe (grosses, oui; écrasantes, non), les instruments genre batterie et guitare (très rares) sont complètement inaudibles, et le film manque cruellement d'une piste stereo. La VF est à la fois nulle et géniale. Géniale parce que les doubleurs sont on ne peut plus fidèles à leurs acolytes américains : à l'intonation, à la fausse note, au tremblement de voix près, c'est ahurissant et c'est un des doublages les plus parfaits qu'il m'ait jamais été donné d'entendre. D'entendre, pas de voir. Parce que la synchro avec le mouvement des lèvres est au mieux risible, au pire affligeant. La raison ? Elle est simple : l'absolue indigence des paroles, tellement basiques et chiantes qu'on ne peut pas délivrer une traduction française digne de ce nom. Combien de dizaines de synonymes de "musique" et de "amour" peut-on trouver dans 2 h 15 de film ? Celà dit les traducteurs ont été un peu légers, ainsi "mon empire sur toi est au plus haut" aurait été traduit par "mon emprise" que personne n'en aurait fait une maladie. Pour ce qui est des paroles originales (originelles plutôt, originales est un adjectif absolument pas adapté), vous aurez du mal à les "apprécier" vu que Metropolitan, on ne sait pourquoi (enfin si : ca$h), n'a pas daigné inclure les sous-titres anglais !!! Faute de goût renforcée par la présence d'un karaoké concept : on entend les chanteurs ! C'est nouveau, ça vient d' sortir. A part ça, on avait vu que l'idée de base était mauvaise, eh bien qu'on se rassure ; le résultat final l'est tout autant. Achetez le 45 tours original, ça vaut mieux. Et pourvu que la prophétie de Saint Roger Waters se réalise...